Chers frères et sœurs,
Dans l’entre-deux-guerres, un écrivain hongrois du nom de Frigyes Karinthy formula une théorie étonnante selon laquelle, dans le monde contemporain, les sociétés sont moins cloisonnées qu’auparavant, et de ce fait, chaque personne du monde se trouve reliée à n’importe quelle autre par une chaîne de relations de six éléments au maximum. Par exemple, je ne connais pas moi-même la Reine d’Angleterre, mais je connais personnellement quelqu’un qui connaît personnellement quelqu’un qui la connaît personnellement : cela fait, selon la formule consacrée, trois « degrés de séparation ».
Je n’ai pas vérifié si effectivement il n’y avait que six degrés qui me reliaient au plus obscur des Papous de Nouvelle-Guinée, mais je constate que, dans l’évangile, Jésus me renseigne utilement : « Si quelqu’un reçoit celui que j’envoie, il me reçoit moi-même ; et celui qui me reçoit, reçoit Celui qui m’a envoyé. » Le Père envoie le Fils, qui envoie ses Apôtres, qui envoie leurs successeurs, et ainsi de suite, jusqu’à moi. Si longue que soit la liste des Chrétiens qui se sont succédés et se sont transmis le relais depuis vingt siècles, ce n’est pas pour allonger la séparation entre Jésus et moi, mais pour la raccourcir. Avec leur aide, je peux rencontrer le Christ en personne dans ma vie, et par lui, connaître le Père. Dans ce monde, il y a toujours quelque chose qui me met à distance du Père – « Lui, personne ne l’a jamais vu » – mais cette distance n’empêche pas l’amour dont Jésus est le médiateur.
Le monde dans lequel nous vivons est un petit monde, comme la crise du coronavirus nous le rappelle. Saisissons cette chance d’être plus facilement à portée les uns des autres pour témoigner par notre vie de notre proximité avec le Seigneur, cette source de joie. Et parce que les amis de mes amis sont mes amis, faisons que cette amitié soit contagieuse !
Amen.
Père Martin Charcosset